La Green School, une source d’inspiration
Véronique Desvigne se passionne pour l’éducation. C’est ce qui l’a poussée à se rendre à Bali avec sa famille, pour y découvrir une des écoles les plus inspirantes de la planète.
Un soir de décembre 2008, alors que nous habitons à Séoul, complètement lassés des médias qui ne parlent que de crise économique et de dégradation du monde, Alain regarde un TED talk pour se changer les idées. Et c’est parti! John Hardy a fait vibrer mon mari. Le fondateur de l’école et Cynthia, sa femme, chérissent une vision: créer un environnement inspirant pour les élèves, qui leur permette d’être créatifs, innovants, pour devenir les «leaders verts» de demain. C’est ainsi que naîtra le projet Green School!
Alain travaille dans les énergies renouvelables et moi dans l’enseignement Montessori. Nos aspirations se rejoignent et, soucieux de transmettre à nos enfants qu’il existe une «vision du monde en couleur», nous nous promettons d’aller visiter un jour la Green School! Juillet 2016, le rêve se réalise, nous partons en famille la découvrir de nos propres yeux!
Nichée dans un écrin vert sur l’île de Bali à proximité d’Ubud, entre les rizières et la rivière Ayung, se dévoile une architecture d’une beauté surprenante qu’on découvre après avoir franchi un pont suspendu dont les courbes sont si élégantes qu’il semble presque s’envoler. La pièce maîtresse du campus est appelée le cœur spiralé de l’école. C’est l’une des plus importantes constructions autoporteuses. Elle est réalisée avec une ressource naturelle, locale et renouvelable, classée parmi les herbes géantes, qui atteint la taille d’un cocotier en deux mois et se récolte trois ans plus tard: le bambou!
A l’écoute de l’écosystème, la Green School se fond totalement dans la nature, elle est conçue pour avoir la plus petite empreinte carbone possible. Les panneaux solaires apportent la majorité de l’énergie nécessaire à son fonctionnement et le reste provient d’un générateur de biogaz, alimenté par le compostage des toilettes sèches.
Le campus vise à être le premier modèle d’économie durable dans le domaine de l’éducation et s’efforce de mettre la barre très haut dans l’espoir d’entraîner de nombreuses écoles dans son sillage.
L’environnement scolaire
Les colonnes de bambou forment des classes sans murs! C’est l’espace idéal pour apprendre à «penser autrement» et sans limite. Chaque classe cultive son propre jardin organique qui fournit la cantine de l’école.
En contact permanent avec la nature, les enfants vivent de multiples opportunités d’interagir avec le milieu naturel tout en observant l’impact immédiat de leur comportement. Une relation de symbiose se crée alors et le respect du monde qui les entoure s’impose naturellement à eux. Les élèves se responsabilisent dès leur plus jeune âge pour prendre soin de leur environnement et jouent à imaginer des solutions écologiques.
Un enseignement holistique et durable
Dans cette école, les pupitres ne sont pas tous alignés, ni orientés dans la même direction, les emplois du temps sont flexibles pour laisser place à la créativité et à plus de fluidité.
L’ école offre un enseignement fondé sur l’expérience personnelle et sur l’implication des élèves dans les tâches quotidiennes, ce qui développe la responsabilité, la conscience, l’esprit critique et le discernement. En vivant avec la nature et en observant ses rythmes, les enfants développent une satisfaction à apprendre qui va bien au-delà de la classe et qui fera d’eux des penseurs créatifs, confiants et capables de développer une vision à long terme.
Le programme s’organise autour de trois axes: les matières classiques (mathématiques, anglais, sciences), l’étude de la nature et la créativité artistique. Cette approche équilibrée stimule la soif d’apprendre des jeunes enfants et leur transmet les outils appropriés et pertinents pour nourrir leur passion, tout en leur faisant découvrir les changements nécessaires à la préservation de notre planète.
En étudiant le riz, par exemple, les élèves ont une vision globale du parcours de la graine qu’ils plantent eux-mêmes. Ils découvrent la nécessité d’une nutrition saine en cuisinant leur propre récolte et en la servant au repas. Les habitudes changent naturellement quand on prend conscience que notre planète bleue n’est pas indestructible.
Les phénomènes climatiques et l’économie durable sont des sujets qui viennent enrichir les programmes des plus grands. En réalisant des projets d’ingénierie, comme par exemple la construction d’un pont, ils découvrent la physique appliquée. Partant de l’environnement naturel, les élèves avancés construisent de A à Z un projet qui met en évidence, au fur et à mesure de sa construction, les forces en jeu et les lois physiques à étudier. Ils disposent du temps et de l’espace nécessaires pour mettre au point un projet dynamique et interactif que la contribution de tous enrichit, ce qui développe la confiance et stimule l’esprit d’entreprise.
Les enfants: agents du changement
Grâce à la rencontre de plus de quarante nationalités et d’âges différents, les élèves mettent en pratique les valeurs humaines, tels le respect mutuel, la tolérance et la bienveillance. Ces atouts permettront aux futurs acteurs du changement de savoir vivre ensemble en harmonie.
La diversité de la Green School ne s’arrête pas aux élèves ; les volontaires et les enseignants viennent également du monde entier et partagent un but commun : créer la nouvelle génération de « leaders verts ».
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L’école encourage les élèves, dès leur jeune âge, à prendre des initiatives. «Bye Bye Plastic Bags» est l’une d’elles, développée par deux jeunes filles inspirées par un de leurs professeurs.
Avec l’arrivée de millions de touristes, Bali accumule 680 m3 de déchets plastique chaque jour. Il y a quatre ans, deux sœurs, Mélati et Isabel ont pris conscience de cette situation alarmante pour l’ île et ont décidé d’agir. Aidées de leurs amis, elles lancèrent une campagne de signatures pour stopper l’usage des sacs plastique, tout en organisant le nettoyage régulier des plages. Les sœurs décrochent un rendez-vous avec le gouverneur de Bali et le convainquent de rejoindre leur cause. Résultat : celui-ci s’engage à débarrasser l’île de ses sacs plastique d’ici 2018. Trois ans plus tard, âgées de 14 et 12 ans, Mélati et Isabel émeuvent l’audience dans un TED talk en racontant leur parcours avec l’espoir que leur action en inspirera beaucoup d’autres à faire de même : «Bien que nous les jeunes ne représentions que 25% de la population du monde, nous représentons 100% du futur.» Les jeunes filles ont clairement transmis à leurs pairs qu’il n’est pas nécessaire d’attendre d’être adulte pour créer le changement. «On ne vous dit pas que ce sera facile, mais que ça en vaut la peine.»
Bien d’autres projets sont menés au sein de l’école, toujours soucieuse d’être le plus en adéquation avec les principes du respect de l’environnement. Par exemple, les élèves ont décidé de participer à la réduction des émissions de CO2 en organisant la collecte et le recyclage des huiles usagées des hôtels et des restaurants de l’ île, qui servent maintenant de carburant aux bus de l’école.
Le professeur d’art utilise le théâtre pour aborder les questions environnementales. Les élèves ont interprété une comédie musicale, intitulée «Noble matériau» pour faire passer le message sur les déchets, en particulier le plastique qui finit sur les plages et dans nos océans.
Avec l’aide enthousiaste des parents et des professeurs, ils ont créé les costumes du spectacle avec du plastique recyclé. Habités par l’amour de la nature et leur passion de faire bouger les choses, les élèves de la Green School ont réalisé qu’ils pouvaient transmettre un message au monde et «faire la différence». Le succès du spectacle a été couronné en 2015 par une représentation lors de la COP21, la Conférence de Paris sur le climat!
La Green School repousse les limites de l’éducation au moment où le monde requiert d’urgence une approche plus responsable. L’environnement exceptionnel de l’école et sa vision de l’éducation ont un impact positif énorme sur le processus d’apprentissage. En encourageant les élèves à s’émerveiller devant les possibilités de la vie, la Green School développe en eux une conscience spirituelle, émotionnelle et intuitive. Par son modèle de communauté, elle crée un exemple vivant de ce qu’on peut réaliser lorsqu’on décide de mettre ses talents au service du cœur et de la société. Et c’est ainsi qu’elle prépare de nouvelles générations d’entrepreneurs «verts».
Notre impression, en quittant la Green School, rejoint celle exprimée par Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies: «J’ai visité plusieurs lieux différents et de nombreuses écoles, mais la Green School est l’endroit le plus unique et le plus impressionnant que j’aie jamais vu.»
Photos Charo Merida