Déjouer nos émotions
Le Dr Ferdinand Wulliemier nous explique certaines caractéristiques de nos réactions émotionnelles, et pourquoi les pratiques spirituelles basées sur le cœur sont particulièrement efficaces pour prévenir des réactions inappropriées.
Nos émotions, qui sont de nature réactionnelle, peuvent se manifester aux niveaux physique, énergétique et psychologique. Chacun sait par expérience qu’elles surgissent sans crier gare et qu’elles déterminent la plupart de nos comportements. La racine étymologique de nos émotions (movere= bouger, se mouvoir) atteste d’ailleurs de ce dynamisme. Et de récentes études neurologiques expliquent la rapidité de nos réactions émotionnelles par le fait qu’elles atteignent leur but par une voie express, en court-circuitant le cortex de notre cerveau.
Un exemple vécu
J’attends une étudiante pour une séance de méditation à 8h. Elle est la première d’une série de quatre personnes. Par ailleurs, je dois passer deux appels téléphoniques importants au cours de la matinée. C’est une situation inhabituelle et je ressens déjà une certaine tension quand ma femme me dit que l’étudiante vient d’envoyer un SMS pour m’avertir qu’elle aura 10 minutes de retard. Ce n’est pas la première fois qu’elle est en retard ou qu’elle change les horaires de ses rendez-vous, mais je n’ai jamais réagi émotionnellement. Ce jour-là, je me sens immédiatement irrité.
Quand elle arrive, je lui dis que mon statut de retraité ne devrait pas lui faire croire que j’ai beaucoup de temps à ma disposition. Elle m’explique qu’elle a été bloquée dans un embouteillage, comme elle l’avait mentionné dans son SMS (ce que mon épouse ne m’avait pas précisé). J’étais donc déjà en colère et, malgré son explication, incapable de modérer mon exaspération.
Pour mieux comprendre cette interaction
Il faut savoir que mon père s’est toujours montré exigeant à propos de la ponctualité, si bien que ma sœur et moi craignions toujours d’être punis pour nos retards durant notre enfance. Cette exigence de ponctualité, je l’ai intériorisée et reproduite plus tard envers moi-même et envers les autres.
Pour en revenir à l’exemple cité, c’est seulement au cours de la méditation qu’une manière plus modérée d’aborder la situation m’est apparue clairement; j’aurais pu tout simplement expliquer à la retardataire que nous commencerions la méditation immédiatement, sans notre habituel échange préalable, afin que la personne suivante n’ait pas à attendre.
Cet exemple illustre à la fois la rapidité à laquelle surgissent les émotions, et leur persistance lorsqu’elles sont associées à certains vécus inscrits dans notre mémoire. Des études neurologiques ont montré l’importance cruciale de l’amygdale cérébelleuse dans le processus de mémorisation de nos réactions émotionnelles associées à des événements spécifiques. En ce qui me concerne, je connaissais depuis longtemps ma tendance à mal réagir aux retards et j’avais travaillé la question en psychanalyse pendant ma formation de psychiatre. Mais si le fait d’être remonté à l’origine de ce problème relationnel m’avait éclairé, l’identifier n’avait pas produit de changement décisif.
Les études neuroscientifiques nous apprennent que cette absence d’impact sur le comportement n’est pas surprenante, puisque la réaction émotionnelle, dont le trajet est plus direct et rapide – puisqu’il court-circuite le cortex – a toujours de l’avance sur la compréhension intellectuelle qui arrive trop tard pour infléchir favorablement ma réaction, en l’occurrence mon irritation devant les retards d’autrui.
Comment déjouer nos émotions?
Or des études récentes ont montré qu’il existe également une connexion entre le cœur et le cerveau par l’intermédiaire des voies nerveuses reliant les neurones du cœur, via le 10e nerf crânien, aux structures sous-corticales (en particulier l’amygdale cérébelleuse). Et cette voie est tout aussi rapide que celle empruntée par nos émotions. En outre, l’énergie électromagnétique puissante générée par les pulsations du cœur a une influence immédiate sur l’ensemble de notre corps, et au-delà de celui-ci, sur ce qui nous entoure 1.
Les chercheurs de l’Institut HeartMath ont testé sur de nombreux bénévoles les effets de certains exercices qu’ils ont créés, en particulier pour réduire le stress, dont les plus célèbres sont: Freeze Frame, Cut Through et Lock-in. Ils ont démontré que l’amour et les émotions positives, telles que la compassion, la gratitude et la reconnaissance, contribuent à la cohérence cardiaque. Cette approche, qui favorise la synchronisation de la forme des ondes cérébrales avec la variabilité cardiaque, contribue à la régulation du système immunitaire et hormonal, alors que les émotions négatives ont un effet diamétralement opposé. Les exercices du HeartMath permettent donc de reprogrammer physiologiquement les réactions de l’organisme, ce qui prouve l’existence d’un entraînement du cerveau par le cœur. En outre, le champ électromagnétique d’un cœur en cohérence affecte positivement les personnes de l’entourage.
Heartfulness parvient aussi, par sa méthode de méditation centrée sur le cœur, et sa technique de purification de celui-ci, à réduire l’impact des émotions négatives, en modérant les comportements discordants et destructeurs qu’elles suscitent. Cela favorise les émotions et les sentiments positifs et contribue ainsi à améliorer nos relations.
Au vu des multiples occasions que nous avons de réagir de façon inappropriée dans nos interactions quotidiennes, la pratique de ces méthodes très efficaces peut apporter de réels changements dans notre vie.
1Pour une revue plus extensive des pouvoirs du cœur, voir F. Wulliemier, Vers une civilisation du cœur, Recto-Verseau, 2018.
Cher Ferdinand Wuillemier
Il semble, par votre exemple estudiantin, qu’une pratique assidue ne soit pas tout à fait suffisante à amener les qualités permettant de ne pas subir encore les influences du passé ?
Chaleureusement