Dans la gratitude
Ichak Adizes aborde ici un thème très personnel, l’impact de la religion dans sa vie. En développant un sujet qui lui tient à cœur, la prière de gratitude, il nous explique pourquoi le sabbat est si important dans la tradition juive.
Je suis né dans une famille laïque. Je n’ai jamais appris de prières, ni aucun rituel de la religion juive. Mais j’étais intrigué et prêt à faire tout ce que je pourrais pour rejoindre ma «tribu», où qu’elle se trouve dans le monde.
Aujourd’hui, j’ai réfléchi au sabbat, au dîner du vendredi soir, à la prière avant le repas. Et il m’est venu quelques idées que je voudrais partager avec vous.
En quoi consiste la prière? Qu’est-ce que le sabbat?
Dans la prière, comme durant le sabbat, il s’agit de montrer de la gratitude, de prendre le temps de nous retrouver, de nous recueillir, et d’exprimer notre amour les uns pour les autres et pour le monde.
Nous travaillons toute la semaine. Nous luttons. Nous traversons des conflits. Mais pendant une journée, on s’arrête. Nous montrons notre gratitude à Dieu et les uns envers les autres. Nous nous unifions nous-mêmes, et nous nous intégrons à la famille et à la communauté.
Le jour du sabbat, c’est d’abord en ne travaillant pas que nous renouons avec nous-mêmes. Nous prenons le temps de réfléchir, d’être attentifs. Nous ne conduisons pas, ce qui signifie que nous restons à la maison en famille. Nous ne cuisinons pas, donc la maîtresse de maison peut se reposer et aussi renouer avec elle-même.
C’est ce repos qui nous distingue de tous les autres êtres vivants. Les arbres ne font pas la différence entre un jour et un autre. Les animaux non plus. Les humains sont conscients. Ils peuvent faire la distinction entre le séculier et le sacré. Nous développons l’autodiscipline, l’attention. Nous remercions Dieu de nous avoir rendus différents des animaux, de nous avoir rendus humains.
Par la prière du vendredi soir, nous remercions Dieu de nous avoir montré, par l’exemple, comment agir, comme devrait le faire tout bon leader: Il a créé le monde en six jours et, le septième jour, il s’est reposé. Dieu est infiniment puissant. A-t-Il besoin de repos? Il nous a offert un exemple personnel à suivre. Il nous a invités à nous reposer.
Si vous analysez la prière, qu’est-ce qu’elle exprime vraiment, de diverses façons? De la gratitude.
Nous remercions Dieu de nous avoir montré comment être humains. Nous rendons grâce à Dieu pour une création qui produit le pain qui nous nourrit, pour nous avoir sortis de l’esclavage en Égypte, pour avoir fait de nous des gens libres. La prière chantée à la fin du repas est pleine de gratitude envers Dieu qui non seulement nous nourrit, mais nourrit également tous les êtres sur cette terre, sans rien attendre en retour. La prière est celle-ci: «Ha zan et ha olam kulo be hen be hen hesed u ve rahamim.»
Cette prière est plus qu’une démonstration de gratitude. Elle comprend aussi un rituel d’intégration. Nous bénissons un verre de vin et tous les convives le partagent. Nous partageons. La personne assise au bout de la table rompt le pain spécial, la challah, et le partage avec tous.
Ainsi, le sabbat n’est pas seulement un jour de repos. C’est une journée d’intégration et de reconnaissance.
Le vendredi soir, toute la famille se réunit autour de la table. Avant toute chose, le père entonne un chant de louange à sa femme devant toute la famille, l’appréciant pour ce qu’elle est. Deux mots décrivent ses qualités: elle est «ezer ke neged», ce qui signifie «utile contre». C’est un peu étrange, n’est-ce pas? Comment peut-elle être utile, si elle est contre? Eh bien, quand on y réfléchit, on réalise que lorsqu’on s’appuie sur quelque chose, cela résiste. Si cela ne nous retenait pas, on tomberait. On peut s’appuyer sur ses conseils et sa sagesse. Alors, nous écoutons notre femme. Nous la respectons. Nous la reconnaissons à sa vraie valeur. Nous l’apprécions.
Dans la tradition séfarade, le père dit: «Bendichas manos», ce qui signifie «Bénies soient les mains qui ont préparé notre repas». La mère répond: «Bendichas bokas», «Bénies soient les bouches qui le mangeront.»
Qu’entendez-vous dans tout cela? Encore et encore, de la gratitude. De la reconnaissance. Du respect. Le père et la mère marchent autour de la table, posent leurs mains sur la tête de chaque enfant et le bénissent. Dans la tradition séfarade, les enfants, quel que soit leur âge, embrassent la main du père, la main qui les nourrit. Puis celui-ci va vers sa femme et l’embrasse. Vous voyez le respect? L’expression de l’amour? La force d’intégration?
Si vous allez à la synagogue le vendredi soir, vous entendrez que les prières ont toutes un dénominateur commun: la gratitude. Elles remercient Dieu de nous garder en bonne santé, de guérir les malades, de libérer les prisonniers, de nous libérer de l’esclavage. À la fin des prières, les gens se prennent dans les bras, se serrent la main et disent: «Shabbat shalom».
Shalom vient du mot «shalem» qui signifie «entier». Or, il faut être complétement intégré pour être entier. Le mot «shalom» signifie paix, et il n’y a pas de paix si l’on n’est pas unifié. La paix, c’est-à-dire plus de guerres, plus de combats, plus de conflits. La paix.
Le jour du sabbat, toute la famille se rend à la synagogue. On peut voir le père y aller à pied – pas en voiture – en tenant ses enfants par la main. Dans la synagogue, toute la communauté se rassemble. Comme ils vont à pied à la maison de prière, le jour du sabbat, les Juifs vivent souvent à proximité de leur synagogue. Pour moi, il s’agit là d’une façon de bâtir une communauté. Ils se connaissent. Ils se bénissent mutuellement.
Ahad Ha’am, un auteur juif, a écrit: «Plus que les Juifs n’ont maintenu le sabbat, le sabbat a maintenu les Juifs.» Le sabbat a gardé le peuple juif uni, intégré.
Une journée de gratitude, d’intégration et d’expression de l’amour est tout ce qu’il faut pour que règne la paix. Et que pouvons-nous souhaiter de plus ?
Paix à nous tous.
Publié avec l’autorisation de l’auteur et tiré de Why a Sabbath? http://www.ichakadizes.com/why-a-sabbath/
merci très intéressant!